vendredi 29 mars 2024

"Quelles nouvelles des hommes de la Marche ?"

Cela fait quelques temps que je n'ai rien posté sur le blog, et bien qu'un article de fond se profile doucement (mais alors vraiment doucement...), je me disais que ce serait pas mal de donner des nouvelles malgré tout. Car certains l'ont peut-être remarqué, en 2022 je n'ai posté que deux articles en tout et pour tout sur le blog, nettement moins que les autres années, or il se trouve que c'était un peu pareil pour mon manuscrit. 2022, c'est une année morte côté écriture, ou au moins en expérience de mort imminente. J'ai même eu peur que le projet cale... heureusement ce ne fut pas le cas. 

Il y a derrière cette période creuse plusieurs raisons : personnelles, professionnelles, et rédactionnelles. Laissons les premières de côté, et parlons un peu du côté "auteur". Bon en vrai, les deux premières raisons ne sont pas négligeables et ont permis la dernière, évidemment. C'est un épuisement physique et moral sur lequel s'ajoute l'intimidation des sources. D'ailleurs, l'un des deux articles de cette mauvaise année parle justement de mon blocage vis-à-vis de cette tâche dantesque qu'est l'adaptation du Nibelungenlied. En mai, j'étais parvenu à boucler le chapitre sur le Hürnen Seyfrid, et puis... rien. En juin je finissais un petit chapitre de transition et... plus rien. Il faudra attendre presque un an pour que je réussisse à m'y remettre.

Cette aridité de la production est toutefois à relativiser, car cette année-là j'ai beaucoup lu et pris un sacré paquet de notes. Ces recherches sur les sources sont absolument essentielles, car contrairement à Pax Europæ, ce que j'imagine, invente et apporte au récit s'ajoute à des histoires préexistantes auxquelles je rends hommage, je ne peux pas juste me contenter de sortir tout ce qui me fait envie de mon chapeau quand ça m'arrange. C'est beaucoup plus contraignant, et c'est pourquoi un manuscrit qui ne progresse pas ne veut pas dire pour autant que le projet est à l'arrêt. Les recherches sont longues, parfois laborieuses, mais absolument essentielles. Je ne pioche pas dans les sources pour rajouter des détails et crédibiliser mon histoire, à étoffer mon intrigue ou épicer mon scénario. Avec Heldenzeit c'est moi qui construis mon intrigue autour d'elles, qui saupoudre mes lubies thématiques, mes pirouettes scénaristiques et mes développements de personnages pour lier toutes les versions tout en les respectant au maximum. La différence de méthodologie avec Pax est radicale.

2023 aura été, en comparaison, une année faste au clavier, avec 9 chapitres pour 92 pages (en vrai c'est des pages A4 ça ne correspond pas à un standard éditorial, mais c'est pour donner une idée), et surtout le succès psychologique d'enfin parvenir à m'atteler aux Nibelungen frontalement, sans compter la mise à jour de chapitres déjà rédigés etc. Bref, j'avais remis le pieds à l'étrier. Mais vers la fin de l'année, un autre blocage s'est profilé... La Rabenschlacht, ou la bataille de Ravenne, le pinacle des aventures de Dietrich, le moment clef de son arc narratif. Heureusement, la peur ne m'aura pas paralysé longtemps, cette fois, et il n'y aura eu aucun passage à vide. Au contraire, même.

Depuis le début de l'année, en trois mois donc, j'ai écrit... 4 chapitres pour 48 pages. Voilà, je pense qu'on peut dire que ce début d'année aura été extrêmement productif, et c'est en grande partie pourquoi le blog a été un peu négligé. Pas à cause d'une page blanche, comme en 2022, mais au contraire parce que je m'en sors plutôt bien côté écriture. 

Je suis extrêmement satisfait d'enfin traiter des épisodes pour lesquels j'ai pris des notes en 2020, avant même de commencer la rédaction du manuscrit. Il faut savoir que j'éprouve beaucoup de difficulté à écrire dans le désordre. Pax Europæ est à 99% écrit de manière linéaire. Plusieurs amis rédigent des bouts de chapitres selon leur inspiration et les assemblent lorsque le moment est venu (je salue Kevin Kiffer et le Passant pour ne pas les nommer. Bon bah ils sont nommés), personnellement, je n'y parviens pas. Ma méthode c'est plutôt : "Je l'écrirais lorsque j'y serais". 

Pourtant, Heldenzeit n'est pas Pax Europæ, le concept même du roman, à savoir des récits en cascade racontés par plusieurs narrateurs, devrait se prêter parfaitement à une écriture dans le désordre, d'autant que la structure générale (l'agencement de ces récits, leurs articulations les uns avec les autres, l'ordre dans lequel placer les épisodes afin que cela soit fluide dans l'ensemble) était déjà fixée assez tôt, dès 2020, et a très, très peu changé depuis. Et pourtant... je n'ai pas réussi à écrire autrement que linéairement. Pas dans l'ordre chronologique des événements, mais dans l'ordre de lecture. 

L'avantage est, je pense, que je garde mieux à l'esprit la fluidité narrative qu'il me faut conserver pour que cela fonctionne auprès de lecteurs qui n'ont pas toutes les sources en tête. Il serait plus facile d'oublier, en écrivant dans le désordre, qu'est-ce que le lecteur sait déjà, et quels éléments n'ont pas encore été introduits. L'inconvénient c'est que quant ça bloque, rien ne se passe...

Et puisqu'on parle de structure, ça me permet d'enchaîner sur un dernière chose que je souhaitais évoquer, à savoir la longueur du manuscrit. 

Relativement tôt dans le processus, il est apparu que le manuscrit serait épais, et qu'il faudrait le diviser en deux. Maintenant, il est certain qu'il sera coupé en trois. Je vous entends ricaner les petits rigolos qui ont suivi le développement de Pax, mais la situation n'est pas du tout la même. Non, vraiment ! Arrêtez de vous marrer !

Pax Europæ a souffert du syndrome du jardinier, pour reprendre l'expression de GRR Martin. J'ai laissé pousser les intrigues secondaires, changé plein de choses en court de route, en suivant une ligne directrice générale et quelques jalons précis. Heldenzeit, à l'inverse, n'est que jalons précis, il n'y a pas de digression possible. D'ailleurs, comme je le disais plus tôt, le choix des épisodes, leur agencement et enchaînement, bref, la structure entière du projet a été établie très tôt et n'a souffert que d'assez peu de changements. En fait, les seuls aménagements majeurs furent une question de taille : plusieurs épisodes prendront finalement deux ou trois chapitres plutôt qu'un, certains épisodes que je pensaient raconter dans un chapitre commun auront leurs chapitres propres afin de prendre le temps de bien les traiter (c'est par exemple le cas de La Mort d'Alphart, que j'ai toujours pensé squeezer en flashback dans le chapitre du Rosengarten zu Worms, puisqu'y combat le meurtrier du héros, avant de lui donner un chapitre propre, comme elle le mérite). 

De fait, malgré une structure solide, bien établie et quasiment inchangée, j'ai sous-estimé le nombres de pages que cela demanderait. Maintenant, je suis presqu'au bout de la partie II, elle sera un poil plus longue que la I mais pas de beaucoup, les deux combinées atteignant la taille totale que j'avais envisagé pour l'ensemble du projet... or il faudra ensuite attaquer la partie III. Autant dire que je ne suis pas sorti des ronces ! Néanmoins, je progresse bien, je suis content du résultat jusqu'ici, et même si je suis un peu silencieux sur le blog, ça travaille dur en coulisse.

Sur ce, j'y retourne, j'ai beaucoup de fer dans le feu, comme on dit en suédois.

3 commentaires:

  1. Oui, avoir un blanc sur un projet peut donner l'impression de stagner, mais tu illustres bien que travailler sur un roman, ce n'est pas seulement écrire. Surtout quand on se référence à l'histoire, les sagas et la mythologie :)
    Après, je comprends ton point de vue sur l'aspect "écrire dans l'ordre", mais j'ai essayé et j'ai eu des problèmes, alors bon... je suis revenu à l'ancienne voie ^^

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  2. Dans la même veine que Kevin, écrire de façon linéaire ne me réussit pas, même si j'ai essayé...en réalité les seuls moments où j'écris de façon "linéaire", c'est quand une fulgurance me fait écrire un demi-chapitre d'un coup parce que justement l'inspiration est venue...et elle est venue interrompre la rédaction d'un autre morceau ! Là-dessus, chacun aura sa façon de réfléchir et ça influera nécessairement sur la façon d'écrire. Lutter contre n'est pas nécessairement productif.

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  3. Je trouve ça vraiment fascinant, comme le cerveau fonctionne (ou refuse de fonctionner) d'une manière ou d'une autre, pour un résultat similaire : un projet fini. Le plus difficile étant de trouver la méthode qui convient en tâtonnant, et une fois qu'on l'a trouvé, ça roule (enfin, ça roule mieux quoi ^^). Heldenzeit est vraiment révélateur dans mon cas, car j'ai toute latitude de m'y prendre dans le désordre, tout me facilite cette voie, et pourtant... je reste sur les rails. Gnothi seauton, haha !

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