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mardi 30 avril 2024

Dietrich de Bern, Pt. 1 : la ténacité dans l'adversité

Dietrich de Bern est associé à une idée récurrente dans les sources : sa soi-disant "lâcheté" (Zagheit). J'écrirai sans doute un article sur le concept un jour ou l'autre, cependant j'aimerai aujourd'hui évoquer une autre qualité du héros Bernois (et oui, je dis une autre, car la lâcheté de Dietrich est également une qualité, quand on y regarde de plus près), c'est à dire sa ténacité, son endurance.

Les sources concernant Dietrich sont généralement séparées en deux catégories : le cycle des récits "aventiurehaften", c'est à dire aventureux, merveilleux, et les récits du cycle dit "historique". Bon en vrai, ce nom ronflant ne veut pas dire que ce qui s'y raconte est réellement historique mais que l'intrigue reste, attention aux guillemets parce qu'ils sont importants ici, """réaliste""". Pas de dragon comme dans le Wunderer, pas de géant ni de nain comme dans l'Eckenlied ou Laurin. Non, le cycle historique se veut """crédible""" et ancré dans une certaine réalité. Une réalité augmentée, cela va de soi, mais néanmoins tangible. On n'y suit donc pas Dietrich de Bern dans quelque aventiûre courtoise à sauver des vierges, voire Dame Fortune elle-même, de vilains géants et/ou chasseurs sauvages et à massacrer tout un peuple de nains parce qu'il s'est levé du pied gauche (ça se sent que je désapprouve totalement sa conduite dans Laurin?), mais dans sa lutte pour retrouver le trône impérial. Ce sont des sources qui gardent le souvenir que Dietrich von Bern est inspiré de Théodoric le Grand, même si ce souvenir est diffus et altéré par le temps passé.

La triade majeure des sources dites historiques relate comment Ermrich tue ses frères Diether et Dietmar et une partie de ses neveux (les Harlungen, enfants de Diether) pour s'accaparer le trône de Rome. Dietrich et son frère Diether le jeune (le très jeune même, puisqu'il n'a qu'un an lors de la fuite) survivent au massacre commis par leur oncle et partent en exil à la court d'Etzel. De là, Dietrich reconstruit lentement ses forces en servant le roi Hun, évidemment dans l'espoir de reprendre le pouvoir, ce qu'il tente par deux fois. Ces trois sources sont, dans l'ordre chronologique, la Fuite de Dietrich, la Mort d'Alphart et la Bataille de Ravenne.

(Ah et histoire d'être clair, ça se prononce Alpe-harte, pas Alfar, c'est le même suffixe -hart que dans Wolfhart (neveu de Hildebrand et fidèle à Dietrich), Eckehart, et aussi Lenhardt, d'ailleurs.)

Cette trilogie semble, a priori, offrir une belle histoire bien cohérente. La Mort d'Alphart, tout comme La Bataille de Ravenne d'ailleurs, commencent même par un rapide résumé de l'épisode précédent en mode série télé, genre (prendre une grosse voix) "précédemment, dans la geste de Dietrich". La volonté des poètes est clairement d'établir chaque texte comme une suite directe. Seulement voilà, impossible de ne pas humer le doux parfum des intrigues recyclées et des motifs redondants "parce que c'est cool". Vous vous souvenez de mon article sur les sources médiévales et Hollywood ? On est en plein dedans. 

Théodoric devant Ravenne

Ainsi Dietrich reprendra-t-il Vérone et la reperdra... pas une, pas deux, mais trois fois ! Il reprendra bien Ravenne mais Ermrich lui échappera... deux fois, dans des circonstances similaires. Et c'est un peu gênant, car si on peut admettre une première fois qu'il ait gagné la guerre, mais soit pour des raisons de pognon obligé de retourner quand même en exil dans Alphart..., ça passe un peu moins quand exactement la même chose se reproduit dans Ravenne. On sent qu'il y a une tradition orale vivace qui a inspiré les poètes qui l'ont chacun adaptée à leur manière, reprenant les mêmes points d'intrigues, mais en forçant le côté suite plutôt que remake. On est au niveau du Réveil de la Force, là. Cela dit, un facteur déterminant est que plane l'ombre du succès écrasant du Nibelungenlied, dans lequel Dietrich est toujours en exil. Il faut donc conclure les aventures du Bernois sans bouleverser le status quo... comme une bonne partie des romans Star Wars, pour rester sur cette comparaison.

Heureusement, ce qui fait l'intérêt des sources en question n'est pas tant le contexte copié-collé que les événements clefs, à savoir, c'est dans le titre, la mort d'Alphart de l'épée de Witege, et dans la troisième partie la tragédie du meurtre des deux fils d'Etzel ainsi que de Diether, le frère de Dietrich, toujours du fait de Witege. Les campagnes du Bernois pour reprendre son empire ne sont que prétexte à pleurer de jeunes héros idéalistes tués par un guerrier qui trahit tout le monde en permanence et se paye du même coup la réputation de tueur d'"enfants" (jeunes adultes en l’occurrence). 

Witege est une figure fascinante... essentiel au cycle dit historique, il est toutefois fils du forgeron merveilleux Wieland (Völund) et échappe à la furie vengeresse de Dietrich en fuyant sous la mer où l'appelle Wachilt, sa mère, et accessoirement une ondine. Oui, je vous avais averti que le "réalisme" restait relatif.

Mais à cause de ce besoin de status quo, une chose frappe le lecteur : Dietrich se tape une lose monumentale ! Il subit échec sur échec, revers sur revers, et ne parviens jamais à consolider ses succès lorsqu'il en a. Je rappelle pourtant qu'au Moyen-Âge, dans l'aire culturelle germanique, il fut le héros le plus populaire, en terme nombre de récits colportés, plus que le fameux Sigurd/Siegfried. Alors certes, les récits merveilleux lui sont plus favorables, il tue des géants, un dragon, des nains... mais au final, ces récits sont soit anecdotiques et n'impactent pas son exil, soit se déroulent avant, dans sa relative jeunesse. Dietrich est un parangon héroïque, jusqu'à ce qu'Ermrich le chasse, et là... ce sont vingt à trente ans d'exil, deux échecs à reprendre son trône, et jamais il ne réussira à se venger de son oncle... celui-ci mourra des mains d'autres vengeurs, et Dietrich reprendra son trône sans combattre.

Oui, oui. Il aurait tout aussi bien pu attendre à la cour d'Etzel, ça n'aurait rien changé, à part pour les centaines de milliers de morts en vain, évidemment. Il y a chez Dietrich une ironie dramatique absolument tragique, et pourtant il n'abandonne jamais, quand bien même ses échecs prolongent l'attente d'une décennie.

Un épisode n'ayant survécu que dans la Þidrekssaga (mais dont certains éléments sont mentionnés ailleurs, prouvant l'ancienneté du récit) illustre parfaitement cet état d'esprit, c'en est presque une allégorie :

Dietrich fait un raid dans une caverne où se terre un couple de géants, Hilde et Grim. La lutte est rude et Dietrich se retrouve à affronter l'horrible Hilde. Lorsqu'il la fend en deux de son épée, il est assez satisfait de lui-même... jusqu'à ce que les deux parties de la géante ne se recollent par magie comme une horreur lovecraftienne. Le héros la tranche alors une fois de plus, et une fois de plus elle se ressoude. C'est Hildebrand qui lui donne la solution : se placer entre les deux pans de la carcasse et les repousser de ses bras tendus lorsque Hilde tente de se reformer. Dietrich doit résister longuement, alors que les chairs de la géante cherchent à se rejoindre, puis, enfin, son ennemie s'épuise. Sa magie s'étiole, et elle meure pour de bon.

Au-delà de l'aspect badass et lovecraftien, j'aime l'image de Dietrich qui doit s'y reprendre par trois fois (tiens donc...) pour abattre son adversaire, et dont la méthode offrant la victoire est d'endurer le mauvais moment à passer, de tenir bon par la force de ses bras mais surtout de son mental, pas par le fil de son épée. La magie de Hilde est puissante, l'endurance de Dietrich encore plus.

Toutefois, il arrive évidemment à Dietrich de passer par des moments de découragement, mais ses amis savent le remotiver (c'est généralement le boulot d'Hildebrand, qui a pour cela deux cordes à son arc : ses railleries qui titillent l'amour-propre de Dietrich, et si ça ne marche pas, des patates de forain). Alors Dietrich reprend de plus belle, comme un boxeur qui refuse de se coucher. Je me demande s'il n'était pas là, finalement, l'intérêt du public de l'époque pour ce héros malchanceux.

 En tout cas, moi c'est (aussi) pour cela que je l'aime. 


EDIT : Psst ! Dans un second billet je creuse tout ça en explorant des sources telles que Sigenot, Virginal et le Wunderer.

mercredi 10 janvier 2024

Breisach et le Wasigenstein : sur les sentiers de Heldenzeit

Dans les sources très variées qui sont la base de mon projet, les poètes aiment donner du corps à leurs récits en mentionnant des noms connus de leur auditoire. Des patronymes, évidemment, qui ancrent le récit dans une chronologie familière et des lignées connues, mais aussi des toponymes, afin de crédibiliser l'ensemble. On nomme des pays, des montagnes, des fleuves, des forêts, des villes, des lieux mémorables. Parfois, ces lieux existent uniquement dans l'imaginaire collectif, mais le plus souvent ils se rattachent à une vérité tangible, bien que plus ou moins historique.

Et pourtant, il est assez rare pour mes contemporains de pouvoir visiter des endroits mentionnés dans les sources, en tout cas des endroits précis. Worms, Xanten et Bern existent, mais que reste-t-il à voir que les poètes mentionnent ? Le Rhin peut être vu, bien sûr, mais il n'y a nulle part l'endroit supposé où Hagen submergea le trésor mal acquis (et pas par manque d'effort de nombreux chasseurs de trésors). Pourtant, des lieux de ce genre existent bien !

Dans un précédent billet, je parlais, par exemple, de la cathédrale de Lund, explicitement liée à la légende de la dent que Starkađ perdit face à Sigurd. Sans le savoir, je posais le premier pas sur les sentiers de la Heldenzeit.

La cathédrale de Lund.

Profitant d'une visite en Alsace, ce voyage vers des endroits liés au projet Vineta s'est poursuivit via deux étapes : Breisach, en Allemagne, et le Wasigenstein, en France. J'ai déjà publié plusieurs billets sur les réseaux sociaux, néanmoins j'avais envie de prendre plus de temps pour en parler ici. Je ne répéterai pas tout ni ne compilerai ces billets, cet article est plutôt un complément.

Breisach fut l'objet de ma première visite. C'est une ville allemande dont le pont enjambant le Rhin sert de frontière avec la France, frontière franchie sans même y penser grâce à l'Espace Schengen. Le centre-ville médiéval culmine, littéralement, par sa cathédrale juchée au sommet d'une petite montagne. Dans son ombre s'élève une colline d'origine volcanique, plus modeste, et pourtant c'est bien elle qui nous intéresse : il s'agit de l'Eckartsberg.

Le sommet de l'Eckartsberg

Les contreforts des vignes de l'Eckartsberg rappellent la forteresse de la légende

Le monument d'une unité de dragons de l'armée allemande, moderne évidemment.

La vue sur Breisach depuis l'Eckartsberg

Ce nom, montagne d'Eckart, tient au fait qu'on connecte les ruines anciennes du sommet au héros Eckart, aka Eckehart, l'un des preux au service de Dietrich. Dès le IVe siècle Breisach est associée aux Harlungen, mais le lien explicite entre les ruines en question et Eckart ne survient formellement qu'au XIIe siècle. Sachant que le Saint Empire fait établir une forteresse sur ce sommet au Xe siècle, bien que sur un site plus ancien, il serait impossible de prouver ce lien "historique", évidemment, car nous touchons là au légendaire. L'important étant que, très tôt, les décombres de ce fortin fussent considérés comme ceux du temps d'Eckart. Pour les poètes du Nibelungenlied et de La Plainte, il ne fait aucun doute que l'Eckartsberg et ses fortifications sont, véritablement, le lieu où se tenait la citadelle du héros Harlungen, aux murailles de laquelle les cousins de Dietrich furent pendus.

Ah mais une question vous vient peut-être : qui est Eckart ? Je n'en ai pas encore beaucoup parlé, mais ce héros est lié au cycle de Dietrich, généralement sous le nom d'Eckehart. Il est le tuteur des Harlungen  les jeunes fils de Diether. Diether, quant à lui, est le frère de Dietmar (père du fameux Dietrich dont je vous rabâche les oreilles) et d'Ermrich. À la mort de leur père Amelung, Ermrich est choisi pour être le tuteur de ses frères, mais il prend vite goût au pouvoir et refuse de partager. Mal conseillé, il prête trop l'oreille à sa paranoïa et fait exécuter ses frères. Dietrich et son petit frère Diether le jeune en réchappent et fuient en exil. Les Harlungen, qui règnent sur Breisach, n'ont pas cette chance : même les enfants sont pendus au murs de la ville par l'odieux Ermrich. Eckehart parviendra à échapper au massacre et se mettra dès lors au service de Dietrich, pour espérer venger les jeunes Harlungen dont il avait la charge. C'est pourquoi la ville de Breisach se souvient de lui comme le "fidèle Eckart".

Je fais évidemment très synthétique, tout cela se déroule sur plusieurs sources (La Fuite de Dietrich, la Mort d'Alphart, la Bataille de Ravenne, le Livre des Héros, qu'essaye de compiler la Þidrekssaga), dont la chronologie bancale s'étale dans le temps, les camps d'Ermrich et Dietrich se rencontrant à plusieurs reprises sur le champs de bataille. Dietrich, bien que remportant trois victoires, doit à chaque fois rester en exil pour diverses raisons et ne parvient pas à détrôner son oncle fratricide. L'une de ces batailles aura même lieu devant les murailles de Breisach.

Aujourd'hui, un monument récent est érigé sur les ruines du château original (dont il ne reste rien), il vous faudra donc user de votre imagination... heureusement, la ville de Breisach se démarque par un centre-ville médiéval absolument charmant, avec des rues pavées en lacets qui mènent à la cathédrale. Cette balade saura, à coup sûr, susciter une imagerie épousant parfaitement la légende.

Il ne reste rien sur l'Eckartsberg de la citadelle des Harlungen, mais les murailles du centre médiéval de Breisach évoquent sans peine cette forteresse disparue et titillent l'imagination de ceux qui connaissaient l'histoire tragique de Diether et ses fils.






La seconde étape de mon voyage m'amena à retraverser le Rhin afin de me rendre dans les forêts vosgiennes, dans le nord de l'Alsace, là aussi à un jet de pierre de la frontière avec l'Allemagne. Ces terres boisées et montagneuses des Vosges du Nord, ce sont le Wasgau, ou Vasgovie. On parle dans les sources du Waskenwald où l'on trouve tant de gibier que les chasseurs y passent beaucoup de temps. Et au milieu de cette forêt du Waskenwald, un piton rocheux imposant : le Waskenstein. C'est notre étape, et elle nous ramène à la légende du héros Walther, telle que s'en souviennent les poètes du Waltharius, de la Þidrekssaga, et du Walther und Hildegund, poème en vieil allemand dont il ne nous reste malheureusement que quelques fragments (la poésie anglo-saxonne recèle également quelques fragments épars de la légende, à savoir ceux du Waldere).

Le château du Wasigenstein.

Le Wasigentstein, c'est le Waskenstein des sources anciennes (celles citées, mais pas uniquement, le Nibelungenlied et Biterolf und Dietleib y font également référence, par exemple), et il peut tout à se visiter de nos jours. Le chemin depuis le parking n'est pas long, donc si vous passez dans le coin, faites-vous plaisir. Mais avant de passer le site en revue, il peut être utile de parler d'abord de l'épisode légendaire qui le concerne. Là encore, je vais faire simple et concis (on ne rit pas), et éviter d'entrer dans les détails des différentes variations selon les sources etc. Sans doute le ferai-je dans le futur, avec un article dédié au sujet. Non, aujourd'hui, on se concentre sur le rôle du Waskenstein dans la légende de Walther.

Walther porte plusieurs titres. Parfois, c'est Walther d'Aquitaine. En effet, dans le Waltharius, il vient effectivement du Royaume de Toulouse. Dans d'autres sources, c'est le nord de l'Italie, mais j'avais dit que je ne me disperserais pas, flûte. L'autre titre de Walther, celui que la plupart des sources partagent, c'est celui de Walther de Waskenstein, non pas parce qu'il viendrait de cet endroit, mais pour le haut fait d'armes qu'il y accomplit et pour lequel tout le monde se souvient de lui. Replaçons le contexte.

Walther est fils d'un roi soumis à Etzel (Attila) et comme beaucoup de jeunes nobles il est envoyé comme otage à la cour du Hun. Il y est bien traité et bien éduqué, et ses prouesses martiales en font très vite le général favori d'Etzel. Seulement voilà, malgré ce statut, il veut rentrer chez lui, vivre libre, et avoir le droit de se marier avec qui il veut... comme par exemple Hildegund, cette autre otage, nièce de la reine et à qui on a confié en toute confiance les clefs de la trésorerie. Vous voyez venir le truc, ou bien...?

Le sentier qui longe le piton et mène à la "faille de Walther"

Sans surprise, les deux amoureux s'enfuient avec la caisse et là les versions divergent, mais j'ai dit on fait simple alors disons qu'ils sont poursuivis, soit par les hommes d'Etzel, soit par ceux du roi Gunther qui a entendu parler des deux fuyards, et surtout de leur trésor... dans tous les cas, une troupe d'une douzaine d'hommes cavale derrière eux, dont le fameux Hagen, qu'on ne présente plus. Ils finissent par les rattraper tandis que Walther et Hildegund se sont réfugiés dans une grotte, non pas souterraine, mais formée dans les rochers, sur un sommet escarpé qui domine la route : on n'y accède que par un étroit défilé qui rend la cachette aisée à défendre. Il est même précisé que cette grotte offre habituellement refuge aux bandits qui rançonnent ces forêts. Hagen et les autres doivent camper en contrebas et, le moment venu, ils essaient de négocier avec Walther : contre le trésor d'Etzel, ils les laisseraient filer. Walther, conscient d'être meilleur guerrier et en très bonne position pour les affronter, refuse. C'est l'heure de la castagne.

Le défilé les oblige à faire face à l'Aquitain un par un, et en contrebas par dessus le marché. Sans surprise, Walther les massacre les uns après les autres, avec des fatalités que ne renierait pas Mortal Kombat. Je vous passe les détails car, comme je l'ai dit, je reviendrai sur ce récit une autre fois, quand je pourrais me permettre de m'étaler comparer les sources. Néanmoins, vous avez désormais la scène en tête, vous comprenez la topographie implicite dans le récit. Nous pouvons donc nous promener autour du Wasigenstein et libre à vous de vous imaginer Walther faisant face à ses poursuivants avec panache.

La "faille de Walther".

La faille vue de l'autre côté

Un touriste pour l'échelle et se rendre bien compte de l'étroitesse du passage.

Le château date du XIIIe siècle (du moins la tour initiale, le reste fut développé au fil du temps), mais est bien construit sur un abri troglodytique, qui a été travaillé, par la taille comme par la maçonnerie, mais on peut encore deviner à quoi il pouvait ressembler avant cet aménagement tardif. Le défilé étroit où l'ont ne peut combattre que par un seul homme de front est aujourd'hui surnommé "Faille de Walther", et la grotte est bel et bien là. Aujourd'hui on peut aisément faire le tour du château, mais ce passage ouvert n'existait probablement pas avant que le site soit utilisé comme carrière pour construire la fortification. En fait, on se rend compte que sans cette ouverture due à l'homme, le piton vraiment escarpé rend le chemin très difficile, et cette petite ouverture évite de faire un long détour sur les pentes raides, sans compter sur la densité de végétation qui devait être bien plus touffue qu'aujourd'hui.



La grotte


 
 
 
 
 
 
 
 

 
Il est vraiment remarquable que le site du Waskenstein soit si cohérent à travers les sources. D'où que vienne la parenté de Walther, que le texte se concentre sur lui où l'évoque en passant, tout le monde est d'accord par dire qu'il a claqué des fesses au Waskenstein. Dans un genre où, comme je l'ai souvent dit ici, les variations sont monnaie courante, cette homogénéité surprend. Toutefois, lorsqu'on visite ce site, on ne peut s'empêcher de se dire que quoi que soient les faits réels ayant inspiré la légende, ces exploits paraissent absolument plausibles et concrets. On se dit qu'un tel épisode a parfaitement pu avoir lieu ici, de cette manière. Peut-être que non, mais on est tenté d'y croire. Le défilé y est, la grotte aussi... alors, au beau milieu du Waskenwald légendaire, l'imagination s'enflamme.



 

Les photos sont un mélange des miennes, mais aussi de celles de Karoline Juzanx et Nico alias Le Passant, que je remercie de m'autoriser à utiliser.

dimanche 18 juillet 2021

Le viol dans le Projet Vineta

J'avais prévu de faire un article un peu rigolo entre deux sujets bien lourds... finalement non. Aujourd'hui, on continue sur les violences et les abus dans la joie et la bonne humeur (ou pas), puisqu'on va parler de mon approche du viol.

Dire que le viol est omniprésent dans les sources serait une exagération, mais on ne peut pas nier qu'il est difficile de l'éviter, d'autant qu'il est utilisé dans de nombreux contextes, dans des buts souvent très différents. Avant de développer mon approche de la question, je pense qu'il serait utile de revenir sur quelques exemples concrets illustrant cette variété, afin de bien comprendre l'ampleur du problème qui se présente à moi.

Déjà, précisons que le viol n'est pas réservé aux "méchants" de l'histoire, bien au contraire. Souvent, ce sont les héros ou des personnages a priori bénéfiques qui en sont coupables, parfois même pour de "bonnes" raisons qui se justifient dans le texte. Prenons un très bon exemple de ce cas de figure, tiré de la Völsunga Saga. Le héros Sigmund est en fuite, caché dans la nature sauvage après la trahison de Siggeir, son beau-frère (il a épousé la Signy, sœur  de Sigmund) qui l'a vaincu au combat, capturé, et tué toute son armée sauf les 10 fils de Sigmund. Je vous passe les détails, mais les dix fils finissent dévorés en captivité, tandis que Sigmund est parvenu à s'échapper et rumine sa vengeance dans une grotte, alors que Siggeir le croit mort. Dans ce contexte, Signy, la sœur de Sigmund, donc, produit des fils avec son traître d'époux, qu'elle essaye de préparer à aider son frère dans leur vengeance, mais il s'avère qu'aucun d'eux n'est assez fort ni assez courageux (donc ils les tuent, ça commence déjà bien). La conclusion qu'en tire Signy est qu'ils ne sont qu'à moitié Völsung, et qu'il faut des Völsung pur sang pour cette tâche... là vous commencez à comprendre où on va avec ça. Elle s'arrange avec une magicienne afin qu'elles échangent d'apparence pour une nuit, va voir son frère et... produit un héritier 100% Völsung, Sinfjötli, qui passera toutes leurs épreuves et survivra donc à son entraînement. Lorsque la vengeance sera accomplie et que la halle de Siggeir brûlera (avec Siggeir dedans, évidemment), Signy se suicidera en se jetant dans les flammes, sa vengeance accomplie mais indigne de survivre pour le crime odieux qu'elle a commis afin d'y parvenir.

Qu'on soit bien clair, d'un point de vue de la saga, le crime impardonnable qui lui interdit toute rédemption est le meurtre de ses enfants, et surtout l'inceste : elle a couché avec son frère et ça, ça ne passe pas. Le fait que Sigmund ait consenti à coucher avec une autre femme sans savoir qu'il s'agissait en fait de sa parente, et donc qu'il a couché avec elle sans véritable consentement (ce qui est un viol, est-il besoin de le rappeler), ça les sources s'en foutent, le problème n'est pas là. Néanmoins, Sigmund est absout du crime de sa sœur, puisqu'il n'en savait rien, et cela révèle au moins que pour la source, ignorance n'est pas complicité. Et quand bien même, le(s) crime(s) commis sont au service de la vengeance et sont donc justifiés. Signy n'a pas eu tort de commettre cette transgression, au contraire, néanmoins elle doit en payer le prix malgré tout, et non seulement elle est est consciente, mais elle l'accepte, embrasse son destin et embrase le reste.

On retrouve cette idée de transgression ou de crime justifié ailleurs, comme par exemple dans Ortnit. Dans cette aventure, le roi Ortnit apprend que son vrai père est en réalité le nain Alberich, qui prit l'apprence de l'époux de sa mère pour en abuser et produire un héritier (ce que l'époux en question n'était visiblement pas en mesure de faire lui-même). Le nain explique que sans héritier, la Lombardie se retrouverait plongée dans le chaos et que, afin de perpétuer la paix mise en place par les rois précédents, il fallait bien prendre les choses en main. Alberich, c'est le Jawad du Moyen-Âge, lui, tout ce qu'il voulait, c'était rendre service... et rien ne lui donne tort dans le texte ! C'est acté, ça en valait la peine. Là aussi, la reine est violée par consentement fallacieux (elle pensait coucher avec son mari), mais contrairement à la Völsunga Saga, on a ce moment extrêmement gênant pour un lecteur moderne où Ortnit s'emporte contre sa mère, la victime (!!) pour s'être laissée prendre, et c'est Alberich, son violeur (!!), qui doit intercéder en sa faveur, rappelant qu'elle ne savait pas et qu'elle avait été dupée par une illusion. #cringe. On note qu'une fois de plus, l'ignorance dissipe toute complicité.

Et puisqu'on parle de rendre service, il y en a un autre de Samaritain, bien que dans ce cas précis il soit "forcé" par un rappel de ses serments de frère juré, et que bros before hoes. Ce violeur, ce n'est autre que Siegfried / Sigurd (à partir de maintenant, par souci de clarté, j'utiliserai uniquement Siegfried dans cet article). Je sais que c'est toujours un peu sensible d'égratigner des figures aussi ancrées dans notre imaginaire, et une accusation de viol n'est jamais anodine, mais si vous grincez des dents, c'est que vous n'avez pas lu les sources. 

Après que Siegfried ait épousé Krimhild, et que son frère juré Gunther ait épousé Brynhild, on a droit à des nuits de noces un peu compliquées pour notre "pauvre" Gunther qui a obtenu la main de la féroce Brynhild par la ruse et l'aide permanente de Siegfried. Or, le voici maintenant seul face à elle dans le lit nuptial et... elle l'humilie. Elle se refuse à lui et l'accroche même au mur pour le calmer. C'est quand même le roi Burgonde, et non il ne sait pas dire que "Arthur, cuiller". Plusieurs nuits d'échecs rendent Gunther un peu grognon et il demande à Siegfried de l'aider (encore...) en jouant la carte du serment, de l'assistance jurée, etc., sachant que l'honneur et la parole donnée sont quand même les gros points faibles de Siegfried, bah ça marche. Il se fait passer pour Gunther, va dans la chambre du roi et règle le problème.

A partir de là, il y a deux versions de l'épisode, l'une métaphorique, l'autre non. Dans la première, Siegfried parvient à lui retirer une ceinture de force magique, qui lui enlève sa force surhumaine et la rend "normale". C'est l'approche de la Chanson des Nibelungen. La Þidrekssaga est beaucoup plus explicite, et c'est bien sa virginité qu'il lui prend. Je rappelle que bien que rédigée en Scandinavie, celle-ci adapte bel et bien la tradition continentale, et on a donc deux versions de cette traditions, plus ou moins explicites... mais d'accord pour dire qu'un viol a lieu, symbolique ou non. Sans surprise, la Chanson des Nibelungen adopte une approche plus courtoise, mais l'effet demeure inchangé : Brynhild est domptée et soumise à son époux. Cela ne l'empêchera évidemment pas de se venger, mais pas, d'ailleurs, sans avoir eu la preuve qu'elle avait été injustement soumise par quelqu'un d'autre que celle auquel elle pensait avoir affaire. 

Le viol conjugal, elle l'aurait accepté, mais apprendre que ce viol fut infligé par le frère juré de son époux causera sa redoutable vengeance. On a là un assez malsain renversement du motif du consentement fallacieux, puisque qu'on n'est presque dans un viol conjugal "consenti" par l'acceptation des règles de l'ordre social, et qui ne devient insupportable que lorsqu'on révèle que ce viol n'est pas conjugal, justement, et a eu lieu en dehors de ces règles.

Cette situation compliquée, même pour l'époque, fait qu'il n'est pas toujours clair de voir dans les sources qui est vraiment fautif et qui mérite son châtiment. Les sources scandinaves (Edda Poétique, Völsunga Saga), sympathisent beaucoup avec Brynhild, malgré les excès de sa vengeance, quand la tradition continentale sympathise avec Siegfried que le Destin et ses "amis" obligent à transgresser les interdits et rompre ses serments malgré lui. Mais elles sympathisent encore plus avec Krimhild, épouse de Siegfried, qui ressort transformée en badass par ces tribulations et se venge de tout le monde au nom de son grand amour, quand Brynhild a depuis longtemps quitté le tableau sans qu'on cherche à savoir ce qui lui arrive. Dans les sources scandinaves, c'est l'amour entre Siegfried et Brynhild qui est mis en exergue, puisqu'après avoir obtenu sa mort, Brynhild se jette dans le brasier du bûcher funéraire de son seul vrai amour, non sans évoquer l'expiation du crime de Signy, d'ailleurs. Bon, Krimhild causant la mort de nombreux héros, cette sympathie continentale trouve quand même ses limites, et contrairement à la Brynhild des versions scandinaves, Krimhild se tape une réputation de sorcière dans les textes plus tardifs qui ne retiennent d'elle que le bain de sang final des Nibelungen.

Je voudrais terminer mes exemples par un cas où le violeur est sans équivoque un gros bâtard, et le viol lui-même jamais considéré autrement que comme un crime : Ermrich, l'oncle despote de Dietrich de Bern, viole Odila, la femme de son conseiller Sibeche durant l'absence de celui-ci (qu'il a lui-même envoyé en mission, loin, donc c'est totalement calculé). Clair, net, aucun consentement, aucune motivation noble ou justifiée, c'est juste un abus de pouvoir et décrit comme tel. C'est d'ailleurs pour se venger que, prétendant n'en rien savoir, Sibeche prodiguera de nombreux mauvais conseils amenant subtilement mais sûrement le souverain à sa perte (c'est explicite dans le Heldenbuch, ou Livre des Héros, ainsi que dans la Þidrekssaga.) Ces machinations causeront néanmoins de grands malheurs et beaucoup de sang versé (toutes les tribulations de Dietrich en découlent...), donc la vengeance, même si justifiée, reste présentée comme les actions du "camp des méchants" si on me pardonne l'expression. Sibeche reste un antagoniste et un connard, mais il a une motivation avec laquelle chacun peut s'identifier. Et ce viol est toujours présenté comme un crime injustifiable et perfide.

Je passe rapidement sur le motif du viol par des êtres surnaturels, qui sont généralement "utiles" pour justifier des certains aspect d'un héros dont la mère aurait subi un viol surnaturel. Ortnit est le fils du nain Alberich, comme on l'a dit, mais Hagen est le fils d'un alfe (voire un loup) ayant violé sa mère, ce qui explique son teint blafard et ses traits particulièrement laids et perturbants. Le Heldenbuch prétend également que la mère de Dietrich fut violée par le démon Mahmet, ce qui expliquerait la capacité du héros à cracher du feu lorsqu'il s'emporte. D'ailleurs il y a un échange intéressant durant une confrontation où les deux combattants se promettent de ne pas s'insulter sur la base de leurs parentés discutables respectives, serment que Dietrich rompra dans sa colère. On peut facilement comprendre qu'ils reçoivent ce genre d'insules régulièrement mais que, souffrant du même problème, ils aient d'abord cherché à se préserver de ces bassesses. J'ajouterai que le roi des nains Laurin kidnappe Künhild, la soeur du héros Biterolf, avant de l'épouser de force avec tout ce que cela implique, parce que combo. Dans ce cas précis, cette alliance oblige Biterolf à se battre pour Laurin contre son gré.

Alberich "séduit" la mère d'Ortnit. L'euphémisme peut être également pictural.

Maintenant qu'on a un bon aperçu du genre de joyeusetés qu'on trouve dans les sources, j'aimerai livrer mon approche du sujet afin de clarifier ma position. Je n'entrerais pas dans les détails, je vous laisserai découvrir cela dans le roman lui-même, mais resterai général.

Il y a un argument que je vois souvent, surtout dans les romans historiques et les romans de Fantasy : les viols, c'était normal à l'époque. Pourquoi faire des pudibonderies et mettre ça sous le tapis ? À l'époque, ça arrivait tout le temps ! Bon déjà, justifier les viols par un concept d'"époque" lorsqu'on parle d'univers de Fantasy dans lesquels tout est possible, sauf se défaire d'avoir des viols partout, visiblement, c'est assez nul, en fait. On peut embrasser le côté crade et nihiliste grim-dark, hein, chacun ses goûts, mais ce n'est de loin pas une nécessité, seulement un goût personnel. Ce n'est pas le mien. Et comme je l'ai dis dans un précédent article, le Projet Vineta n'est pas un roman historique avec des éléments merveilleux, c'est une relecture légendaire avec quelques éléments historiques.

Quand bien même, penchons-nous sur les sources ! Même "à l'époque", visiblement les poètes courtois se sont sentis obligés de changer un viol par pénétration en "vol de ceinture", sans perdre le sens symbolique de l'action et son impact sur l'histoire. On peut garder la thématique du viol sans être frontal, comme quoi, les sources ont peut-être quand même des choses à nous apprendre en terme de storytelling. 

On n'est pas non plus obligé d'être complaisant. Un roman de Pierre Bordage avec une scène de sexe entre deux enfants m'a à jamais marqué, et pas dans le bon sens du terme. C'était inutile. Il aurait pu alluder à la scène sobrement, s'il pensait que des enfants faisant l'amour était utile à son intrigue, mais il s'est senti obligé de la décrire, il a voulu que j'imagine du sexe entre deux mineurs. C'était une leçon en complaisance que je ne souhaite pas émuler. Je ne prends aucun plaisir à lire et encore moins écrire des scènes de viol, et à mon sens, savoir que ce viol à eu lieu suffit à faire avancer l'intrigue, sans avoir à entrer dans des détails sordides. On pourra me reprocher une forme d'hypocrisie, puisque les combats et les morts sont explicites (dans ce projet comme dans Pax Europæ, d'ailleurs, où un lecteur m'avait reproché "de l'hémoglobine +++"), mais combien de mes lecteurs potentiels ont une expérience traumatisante sur un champ de bataille, et combien ont un traumatisme lié à un abus sexuel ? Je n'ai aucun chiffre à donner, mais mon intuition me dit que mes descriptions de violences littéraires restent purement imaginaires pour la très grande majorité de mes lecteurs. Le viol, c'est déjà autre chose. C'est pour ça que dans Pax, cette question est très discrète (par exemple "l'affaire des viols" qui justifie un Eurocorps sans femmes) et jamais frontale. Aucune description, etc. J'ai suffisemment confiance en mon récit pour ne pas me sentir obligé de mettre des viols par des soldats "parce que c'est la guerre et c'est comme ça quand c'est la guerre".

Pour le Projet Vineta, c'est plus compliqué. Les sources contiennent plusieurs viols, plus ou moins indispensables au récit, et j'ai pour but de rester fidèle au sources. Mais, et je l'ai déjà dit ici, je vais aussi adapter. Aussi ai-je l'ambition de faire le funambule sur cette ligne si fine : garder les événements tels que les sources les présentent, tout en parvenant à mettre ces problématiques sous une lumière qui m'est propre, afin de m'adresser à un public de 2020+. Là où cela devient ardu, c'est que je ne suis le narrateur omniscient d'aucun chapitre : tous sont racontés par des personnages du récit, et qu'il me faudra prendre garde à ne pas complètement les trahir et leur faire dire n'importe quoi. Vraiment, je renvoie vers mon article sur l'adaptation / trahison des sources. Les viols sont bien présent, mais je m'épargne, par exemple, le (trop long, en plus) passage d'Ortnit se lamentant sur la petite vertue de sa mère... la victime ! La conversation fonctionne tout aussi bien sans cette saillie, cela ne change rien à l'intrigue, je peux donc sabrer sans trahir. Quant à savoir si Brynhild, Siegfried ou Krimhild est la véritable victime... ma multiplicité de points de vue peux me permettre de reconnaître les torts de tous tout en sympathisant avec eux sans forcément prendre parti. Tout comme avec les abus et maltraitances dont je parlais ici, les victimes doivent souvent lutter pour ne pas répéter les schémas de violence et si Brynhild a été bafouée sans équivoque, elle se comporte avec une cruauté difficile à cautionner. Siegfried est forcé par son frère juré, qui sait très quelles ficelles tirer, mais il va trop loin, et le vol de l'anneau qui causera sa perte n'est imputable qu'à lui-même... Bref, tous font des erreurs, commettent des crimes, et ce sont ces nuances que je souhaite mettre en lumière. Les viols, cependant, sont dans mon projet toujours des crimes, et aussi "justifiés" soient-ils par leurs auteurs, et même si ce sont des viols conjugaux et que oui, "à l'époque c'était normal", il sont toujours vus comme tels.