mardi 3 novembre 2020

Le Destin, une introduction

S'il y a une force déterminante dans l'univers mental germanique ancien, c'est le Destin. Régis Boyer allait jusqu'à avancer qu'il s'agissait là du seul vrai dieu des germains païens, le dieu suprême. Sachant que les sources qui nous en parlent sont toutes teintées de Christianisme, difficile de savoir combien il reste de la croyance ancienne dans les textes, et dans le cadre du Projet Vineta... et bien quelque part on s'en moque.

Évidemment que je ferai mon possible pour glisser ce que je sais de la Weltanschauung probable de mes personnages, mais mon projet se base avant tout sur sur les sources littéraires, et dans celles-ci, le Destin est tout, on ne s'y soustrait pas, même lorsqu'on le connaît et qu'il s'annonce funeste (cf. Sigurd dont l'oncle, un voyant, lui raconte ce qui l'attend, jusqu'à la trahison par son frère de sang et son meurtre odieux). Plusieurs fois, on fait allusion au destin et l'inéluctabilité de la mort. Dans la Hlöðskviða, par exemple, on lit "dure est la sentence des Nornes", tandis que dans l'Edda Poétique on trouve "Nul ne survit d'un soir à la sentence des Nornes" ainsi que "Un jour, il y a longtemps, mon sort fut décidé, mon destin tracé". On retrouve cette idée dans la bouche d'Atli/Etzel (Attila) dans la Þidrekssaga, ou Saga de Théodoric de Vérone (Dietrich von Bern) : "Ceux qui sont destinés à mourir doivent périr, et aucune bonne arme, aucune grande force ne protège celui qui est voué au trépas." Pour le contexte, Attila vient alors de perdre ses propres fils...

Cela ne veut pas dire qu'on ne cherchera pas à venger un mort, bien au contraire. Ce fatalisme ne pardonne pas la trahison, le parjure et le meurtre. Le cycle de violence des vengeances est rarement entravé par cette façon de voir le monde, néanmoins, mourir au combat, mourir d'un accident, de maladie ou de vieillesse, on n'y peut rien, et on l'accepte. Même les dieux sont soumis au Destin, et même les dieux périront, sans pouvoir s'y soustraire.

Il y a quelques rares exceptions, et il se trouve que le personnage clef du projet Vineta en est une. Nornagest, par le truchement d'un objet enchanté par les Nornes, est théoriquement immortel, et tant qu'il prend soin de l'objet et ne décide pas de s'en servir (je reste un peu vague pour garder un peu le mystère, vous m'excuserez), il peut en principe vivre aussi longtemps qu'il le souhaite. Ce contrôle sur sa propre mort, offert par les Nornes elles-mêmes, est assez exceptionnel, et pose les questions maintes fois traitées depuis Gilgamesh : l'immortalité vaut-elle la peine ? Et ne finit-on pas par s'en lasser ? Surtout quand le monde qu'on a connu se métamorphose jusqu'à devenir méconnaissable... Avoir la possibilité de vivre pour toujours signifie-t-il qu'on le souhaitera ?

Pour illustrer je me sens obligé :



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