mercredi 4 novembre 2020

Les tueurs de dragons, une introduction

(spoilers pour Star Wars : The Mandalorian, saison 2 épisode 1)

Si vous regardez The Mandalorian, et que vous avez vu le premier épisode de la nouvelle saison, il ne vous aura pas échappé que derrière l’atmosphère western cultivée par la série depuis la saison 1, l'intrigue rendait hommage à un autre classique de l'imaginaire occidental : le tueur de dragon. Comment ne pas songer aux nombreux Drachentöter de l'imaginaire médiéval européen en voyant ce chevalier en armure organiser la traque et finalement mettre à mort la bête qui terrorise les habitants en dévorant hommes et bétail, et qu'on appelle explicitement un dragon ? (Le Dragon Krayt est présent dans le lore de Star Wars depuis 1977). Du coup, je me suis dit qu'il serait intéressant d'évoquer ces figures de tueurs de dragons, quelles sont leurs différentes variantes, et comment on les retrouve dans cet épisode.

Le Dragon Krayt dans Star Wars : The Mandalorian

Déjà, quand on pense tueur de dragons, on imagine un héros qui avance face à la grotte où se terre la bête, arme au poing, badass. C'est une image tellement forte qu'elle a fini par polluer les récits qui ne se conformaient pas à cet héroïsme frontal.

Par exemple, Sigurd/Siegfried est souvent représenté ainsi, comme dans les illustrations d'Arthur Rakham pour le Ring de Wagner, illustrations qui seront une inspiration déterminante pour Fritz Lang et ses Nibelungen en deux parties (les costumes, déjà, c'est assez flagrant, mais la scène de la mise à mort de Fafnir est indubitablement inspirée par Rakham). Pourtant, dans les sources, Sigurd n'affronte pas Fafnir face à face, bien que ce soit son plan initial. Conseillé par Odin qui lui souffle à l'oreille que c'est une idée débile, il suit la tactique préconisé par le dieu borgne, se cache dans un trou sur le chemin que Fafnir emprunte pour aller boire, et l'empale par-dessous et par surprise. Ragnar Lodhbrok, dans la saga éponyme, emploiera la même technique (car oui, le Ragnar de la série Vikings, dans sa jeunesse, a tué un dragon, mais bizarrement la série a préféré laisser ça de côté. Moi j'y reviendrai un peu plus bas).

Siegfried kills Fafner, Arthur Rakham (1911)

La séquence du dragon dans Die Nibelungen Teil 1. : Siegfried, Fritz Lang (1924)

Mais alors d'où vient cette image de badass qui n'emploie pas la ruse mais son courage ? On pourra citer St. George, même si lui est quand même aidé par Dieu donc c'est tout de suite plus facile, mais surtout, vous l'attendiez : Beowulf. Le plus fanfaron de tous les Gots, à la fin de sa vie, marche vers le dragon, bouclier en avant, prêt à en découdre, musique épique, et là... et là, il va comprendre pourquoi Odin trouve que c'est une idée débile :

"Du dragon cependant ce coup en rage a mis le cœur
et le voici qui crache un feu de mort,
et ce feu la bataille signale loin à la ronde.
Béow de vanter ses hauts faits n'est plus très en humeur."

Son bouclier carbonisé, ses alliés fuyant dans les bois, son épée le trahissant "comme jamais l'acier ne doit trahir", il va en chier pour parvenir à ses fins, mais le payer de sa vie en contrepartie (non sans rappeler le combat entre Thor et Jörmungandr durant le Ragnarök).

Beowulf par John Howe. (2007)

L'idée de l'impénétrabilité de la cuirasse du dragon est donc commune à Beowulf - son épée ne parvient pas à mordre - à Sigurd, et à Ragnar, qui doivent frapper dans le ventre mou s'ils veulent espérer blesser leur proie (et donc, le Mandalorien).

Néanmoins, il existe une autre sorte de tueur de dragon, beaucoup moins courant... ceux qui échouent. Comme ce brave Ortnit, qui, avec l'aide de son père surnaturel (le nain Alberich) ravit à un roi libanais musulman sa fille pour en faire sa reine - après baptême - car elle est la plus belle, vous connaissez la chanson. Ravi, le roi ne l'est certainement pas, lui, et envoie trois œufs de dragons en "cadeau" empoisonné, et comme prévu, les trois bêtes écloses et sèment le chaos sur les terres d'Ortnit. Contre l'avis d'Alberich, il décide de s'en occuper personnellement, et seul, pour la réputation et la gloire. Il enfile l'armure forgée par son nain de père, que rien ne peut entamer. Et il part à l'aventure. Selon les versions, il tue un premier dragon (ou pas) avant de passer sous un arbre enchanté qui le fait se sentir très fatigué et... s'endort. Un autre dragon le trouve mais ne parvient pas à le défaire de son armure, et décide donc de l'emporter auprès de ses petits dragonneaux dans sa tanière. Ces petites créatures, toutes mignonnes avec leurs grands yeux de bébé Yoda (pour rester dans le thème), s'emploient donc à... sucer Ortnit par les trous de l’armure, et le dévorent ainsi, en l'aspirant comme un escargot de sa coquille.
Badass, n'est-ce pas ? Alors il sera plus tard vengé, évidemment, mais il n'empêche qu'Ortnit reste l'un des rares tueurs de dragons à échouer dans sa tâche.

Où se place le Mandalorien dans ces modèles ? Bon, on lorgne clairement pas du côté d'Ortnit (Boba Fett et le Sarlacc ? Bon, il était pas là pour tuer le Sarlacc mais on a un héros en armure mourant bêtement dévoré par une bête ? OK, c'est peut-être un peu trop tiré par les cheveux), mais étonnamment on retrouve à la fois le face à face héroïque (se tient face à la bête et l'attaque frontalement) ce qui était prévisible, mais, et c'est très agréable, la méthode Sigurd/Ragnar, avec le piège caché dans un trou sur le passage habituel de la bête. On a l'aspect rampant et "serpentesque" des dragons de Sigurd et Ragnar, et le cracheur de feu (ici de l'acide) de Beowulf ou de Seyfrid à la Peau de Corne. Pour un amateur de ce genre de sources, j'ai trouvé que c'était un bel hommage, réunissant plusieurs archétypes, et pas seulement "Beowulf", qui reste le modèle dominant dans l'imaginaire moderne, au point de polluer notre vision d'autres héros, comme je le disais plus haut.
 
Un dragon cracheur d'acide peut paraître comme une simple modernisation de celui, très classique, crachant le feu, cependant on trouve déjà une telle bête dans la ballade de Høgni (aka notre bon vieux Hagen). En effet, la ballade féringienne étant du point de vue de Høgni/Hagen, et en faisant par conséquent un véritable héros, sa confrontation avec Dietrich von Bern transforme - littéralement - le héros Dietrich en monstre. Plus exactement, le bernois peut se transformer en dragon volant et cracheur d'acide mortel, ce qui rappelle évidemment le pouvoir de cracher du feu lorsqu'en colère que lui prête la tradition continentale. Mais on connaît le goût des féringiens pour l'exacerbation des éléments merveilleux.

Deux éléments classiques s'ajoutent encore au Drakon Krayt. Le premier, sur lequel je passerais vite fait, car il me semble que c'est accidentel : la consommation du dragon. En effet, et c'est là quelque chose qui est plutôt propre à la légende de Sigurd, une fois Fafnir mort, Regin, son père de substitution (et accessoirement le frère de Fafnir) ordonne à Sigurd de lui rôtir le coeur de Fafnir. Durant le processus, Sigurd se brûle le doigt, le porte à la bouche, et comprend alors le langage des oiseaux (juste à temps pour se voir avertir des intentions traîtresse et meurtrières de Regin). Dans un autre épisode, on apprend que Gudrun (=Kriemhild), sa femme, qui se sent inférieure en caractère à Brynhild, se voit offrir un morceau de cœur de Fafnir qui la rendra plus forte, mais aussi plus dure et plus cruelle. Rien dans l'épisode du Mandalorien n'indique qu'un quelconque pouvoir soit associé à la consommation de la chair du dragon, au delà de la nutrition, mais j'ai tout de même trouvé ça cool.

D'un autre côté, et je pense que là on est nettement plus dans l'intention, on a même le côté monstre gardant un trésor avec la perle dont se réjouissent les Tuskens à la fin. Dans Beowulf, le dragon ravage les landes après qu'on ait dérobé une coupe de son trésor, trésor qui sera récupéré après sa mort, tandis que Fafnir lui aussi garde un trésor - il est d'ailleurs suggéré que c'est son avarice l'a changé en monstre - et Sigurd en hérite après son meurtre du dragon. Le dragon ou serpent que tue Ragnar est lui aussi lié à un trésor puisque Thora, fille d'un jarl du Gotland, garde son petit serpent de compagnie dans une boîte sous laquelle elle place une pièce d'or, ce qui fait grandir son animal. Elle ajoute toujours plus de trésor (voire le trésor enfle magiquement), ce qui fait atteindre à la bête une taille considérable, au point de devenir une nuisance qui mange un bœuf par jour. Le Jarl Herrud promet donc la main de sa fille et tout le trésor en dote à qui le débarrassera de ce monstre, et ce sera Ragnar qui seul osera. L'association dragon - femme - trésor se retrouver également dans le cycle de Siegfried, comme on va le voir.

Apparemment, même si on ne le voit pas à l'écran (on ne voit que le cou), il semble que le Dragon Krayt ait bien des pattes comme dans les vieilles illustrations et jeux de la franchise Star Wars. Néanmoins, au seul visionnage de l'épisode, ce n'est pas si clair. Les dragons, au Moyen-âge, sont assez variés dans leurs formes et leurs appellations, causant souvent l’ambiguïté. Dans les sagas, les drakkar sont des dragons, mais un orm (wyrm chez les anglo-saxons) est plus un genre de serpent géant, bien que parfois les termes soient utilisés indistinctement voire comme synonymes poétique dans dans des passages en rimés. Il n'est pas toujours clair de savoir si la créature est censée posséder des pattes ou non, mais souvent le vocabulaire du déplacement donne des indices : ramper, glisser, sinueux, etc. indique plutôt un serpent, quand piétiner ou pas ne laisse pas de doutes. 

Dans les versions nordique de la légende de Sigurd, Fafnir rampe et n'a pas de pattes, ni d'ailes, et ne crache pas de feu. Dans les versions continentales de Siegfried... c'est compliqué. Les Nibelungen se foutent du combat contre le dragon, et on y a droit en dialogues qui rappellent le fait d'armes, mais peu de détails. En revanche, dans le Seyfrid à la Peau de Corne, le héros tue... beaucoup, beaucoup de dragons. En lieu et place de Fafnir dans sa première épreuve initiatique, il massacre une petite colonie dans les bois près de la forge de son maître. Plus tard il ira libérer Kriemhild, enlevée par un dragon vers un endroit où il se trouve qu'une nation de nains s'est faite conquérir par le géant Kuperan, qui leur dérobe leur trésor et les force en esclavage. Pour sauver la belle, Seyfrid tuera le géant, qui prétend vouloir l'aider à tuer le dragon mais le trahit trop de fois, puis le dragon lui-même, non sans avoir fait déguerpir les soixante autres dragons, "tous venimeux", que le dragon principal avait appelé à la rescousse... Dragon, femme, trésor. On sent que les métaphores laissent la place à l'hyperbole et la surenchère - juste un petit peu. Toutefois, si tout ceci semble n'être que les fantaisies d'une version tardive (Le Seyfrid... est un manuscrit de plusieurs siècles plus jeune que les Nibelungen), ce n'est pas une certitude. Si cet épisode est absent de tous les manuscrits des Nibelungen qu'il nous reste, il y a une version dont ne subsiste que la table des matières et - qui l'eut cru ? - on y trouve Siegfried libérant Kriemhild d'un dragon. Y avait-il alors tous les éléments que j'ai mentionné plus tôt, y compris les... soixante... dragons ? Impossible de le savoir, mais cela atteste de l'ancienneté de l'épisode. Et pour en revenir au sujet, on y décrit donc un dragon cracheur de feu, et volant... soit l'exact inverse de Fafnir ! Toutefois, les deux dragons ont en commun d'être des personnes qui, pour cause de mauvaise vie, sont transformés en monstres, et qui peuvent donc parler. (Ce qui n'est pas le cas du dragon de Beowulf ou du serpent géant de Ragnar).

Kriemhild enlevée par le dragon, gravure tirée du Straßburger Heldenbuch (~1483)

Donc quand je disais que le dragon de Beowulf avait "pollué" la représentation du dragon de Sigurd/Seyfrid, on pourrait me rétorquer que, peut-être, cette déformation proviendrait du Seyfrid à le Peau de Corne... mais dans ce cas où sont les soixante dragons ? Et blague à part, où est le sauvetage de Kriemhild ? Où est Kuperan, clairement l'élément "nouveau" le plus marquant et le plus intéressant... Etant donné la relative obscurité du Seyfrid... je ne peux qu'y voir l'influence de Beowulf, si connu, si reconnu, et un suspect bien plus crédible pour ce "méfait".


J'ai volontairement laissé Tolkien de côté, je me suis concentré sur nos sources primaires communes ;)

mardi 3 novembre 2020

Le Destin, une introduction

S'il y a une force déterminante dans l'univers mental germanique ancien, c'est le Destin. Régis Boyer allait jusqu'à avancer qu'il s'agissait là du seul vrai dieu des germains païens, le dieu suprême. Sachant que les sources qui nous en parlent sont toutes teintées de Christianisme, difficile de savoir combien il reste de la croyance ancienne dans les textes, et dans le cadre du Projet Vineta... et bien quelque part on s'en moque.

Évidemment que je ferai mon possible pour glisser ce que je sais de la Weltanschauung probable de mes personnages, mais mon projet se base avant tout sur sur les sources littéraires, et dans celles-ci, le Destin est tout, on ne s'y soustrait pas, même lorsqu'on le connaît et qu'il s'annonce funeste (cf. Sigurd dont l'oncle, un voyant, lui raconte ce qui l'attend, jusqu'à la trahison par son frère de sang et son meurtre odieux). Plusieurs fois, on fait allusion au destin et l'inéluctabilité de la mort. Dans la Hlöðskviða, par exemple, on lit "dure est la sentence des Nornes", tandis que dans l'Edda Poétique on trouve "Nul ne survit d'un soir à la sentence des Nornes" ainsi que "Un jour, il y a longtemps, mon sort fut décidé, mon destin tracé". On retrouve cette idée dans la bouche d'Atli/Etzel (Attila) dans la Þidrekssaga, ou Saga de Théodoric de Vérone (Dietrich von Bern) : "Ceux qui sont destinés à mourir doivent périr, et aucune bonne arme, aucune grande force ne protège celui qui est voué au trépas." Pour le contexte, Attila vient alors de perdre ses propres fils...

Cela ne veut pas dire qu'on ne cherchera pas à venger un mort, bien au contraire. Ce fatalisme ne pardonne pas la trahison, le parjure et le meurtre. Le cycle de violence des vengeances est rarement entravé par cette façon de voir le monde, néanmoins, mourir au combat, mourir d'un accident, de maladie ou de vieillesse, on n'y peut rien, et on l'accepte. Même les dieux sont soumis au Destin, et même les dieux périront, sans pouvoir s'y soustraire.

Il y a quelques rares exceptions, et il se trouve que le personnage clef du projet Vineta en est une. Nornagest, par le truchement d'un objet enchanté par les Nornes, est théoriquement immortel, et tant qu'il prend soin de l'objet et ne décide pas de s'en servir (je reste un peu vague pour garder un peu le mystère, vous m'excuserez), il peut en principe vivre aussi longtemps qu'il le souhaite. Ce contrôle sur sa propre mort, offert par les Nornes elles-mêmes, est assez exceptionnel, et pose les questions maintes fois traitées depuis Gilgamesh : l'immortalité vaut-elle la peine ? Et ne finit-on pas par s'en lasser ? Surtout quand le monde qu'on a connu se métamorphose jusqu'à devenir méconnaissable... Avoir la possibilité de vivre pour toujours signifie-t-il qu'on le souhaitera ?

Pour illustrer je me sens obligé :



Brynhild

J'aime vraiment beaucoup cette chanson du groupe allemand Saltatio Mortis (que je recommande de manière générale), c'est une belle réécriture de l'histoire d'amour de Siegfried et Brunhild, et je l'apprécie pour cela. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de remarquer qu'elle perpétue l'idée de l'amour plus fort que tout entre les deux héros, une idée qu'on retrouve souvent dans la culture populaire. Pourtant, c'est assez éloigné des sources qui nous ont transmis leur histoire.

 
 
Si Siegfried meurt, quelles que soient les versions, c'est par la jalousie et le ressentiment de Brunhild (pas forcément injustifiés, puisque Siegfried lui-même commet plusieurs indélicatesses, voire fautes graves, selon les versions - y compris un viol, parfois symbolique, parfois... non). De même, si dans les versions islandaises, une Brunhild dévastée par sa propre vengeance rejoint bien Sigurd dans la mort en se faisant brûler avec lui dans un sublime moment tragique, dans les versions continentales elle... disparaît du tableau, satisfaite, et a priori, survit et vit sa vie. Quant à Siegfried / Sigurd, les versions ne s'accordent pas sur les raisons qui l'ont poussé à quitter les bras de Brunhild pour ceux de Gudrun / Kriemhild. Un philtre d'oubli ? Un serment volontairement rompu ? Certaines versions ne font aucune mention d'un quelconque serment envers Brunhild, laissant le champs libre à tout changement de partenaire - même si ça pique forcément l'égo de Brunhild. Bref, il n'y a pas, dans les sources, d'unanimité sur les liens que le héros aurait rompu ou non vis à vis de Brunhild, déclenchant son ire. De manière générale, on peut dire que Siegfried, Brunhild, Gudrun/Kriemhild et sa famille (surtout ses frères Gunther et Hagen, et leur mère) partagent tous de lourdes responsabilités à des degrés divers dans le bain de sang final de leur histoire. Aucune réputation n'en sortira indemne.

Toutefois, il y a une source islandaise dans laquelle l'auteur a jouté un détail qui, je pense, a marqué l'imaginaire de manière indélébile. Lors de leur dernière conversation, Sigurd s'ouvre à Brunhild pour essayer de rompre l'escalade funeste que tous ressentent. C'est assez important, car rarement Sigurd/Siegfried n'est exploré dans sa psychologie de personnage plutôt que d'archétype. Il révèle alors à Brunhild qu'en dépit des serments rompus et de son mariage avec Gudrun/Kriemhild, il n'a jamais aimé qu'elle, Brunhild. Trop peu, trop tard, malgré cet aveu dramatique, l'ancienne walkyrie (là aussi un élément nordique et non continental que la chanson de Saltatio Mortis reprend) n'en poursuivra pas moins son désir de vengeance mortelle.

De manière générale, la chanson suit plutôt l'intrigue islandaise, mais avec les noms continentaux... tout en ignorant les éléments moins romantiques de l'histoire. C'est quelque chose d'assez courant dans la culture pop, qui "connaît" assez bien les versions islandaises mais souffre d'une méconnaissance embarassante des versions continentales, alors que le nom même de "Nibelungen" reste pourtant ultra connu, tout comme Siegfried et Kriemhild... Ce qui est plus dû à Richard Wagner et son "Ring" qu'aux sources allemandes ou autrichiennes... D'ailleurs, Wagner lui-même puise énormément dans les Eddas islandaises plutôt que dans les Nibelungen elles-mêmes, en fait. Et cela se ressent dans l'héritage de pop culture qu'il a engendré (cf. cette chanson !).

Il n'en reste pas moins que "Brunhild" par Saltatio Mortis est chouette, et ça m'aura donné l'occasion de poster quelque chose. Je m'excuse platement pour ma quasi-absence, je traverse une période difficile, néanmoins, j'essaye d'avancer sur mes projets. Je vais essayer de me montrer un peu plus présent à l'avenir !

Si la chanson vous plaît, écoutez-voir sa version "classique" :

Meister Hildebrand

Dans le Projet Vineta, le précepteur du héros Dietrich est loin d'être un illustre inconnu : il s'agit de Meister Hildebrand, le maître d'armes, à qui il échût souvent le rôle d'aiguillonner la fierté du héros pour le motiver à combattre (par des mots, ou par des patates dans la tronche, selon les besoins). Néanmoins, avant d'être le plus fidèle soldat de Dietrich, Hildebrand fut, en son temps, le héros de son propre poème : le Hildebrandslied, un des plus vieux poèmes écrit en langue allemande qu'il nous reste...

Et encore, il n'en reste qu'un court fragment, dont le texte est un mélange inexplicable de différents dialectes de vieil allemand, d'une ligne à l'autre, et au sujet duquel les linguistes débattent encore aujourd'hui. On y voit Hildebrand champion d'une armée rencontrant le champion adverse, qui s'avère être le fils qu'il a laissé derrière lui, 30 ans plus tôt (car il a suivi Dietrich dans son exil). Le fils, Hadubrand, refuse de faire la paix car il croit à une ruse, un mensonge du vieil homme pour abaisser sa garde. Malgré les efforts du maître d'armes, le combat s'engage, les boucliers éclatent, Hadubrand est dominé, et... là s'arrête le fragment.

Le père tue-t-il le fils ? Plusieurs indices dans différentes sources semblent l'indiquer, du moins dans la version archaïque. Lorsque la poésie germanique passera d'héroïque à courtoise, le motif du filicide sera remplacé par celui de la réconciliation, comme dans le Jüngeres Hildebrandslied, où le jeune homme, ici nommé Alebrand (cf. Alibrand dans la Þidrekssaga), reconnaît son erreur une fois vaincu, père et fils s'embrassent et la mère reconnaît son mari. Les temps évoluent, les mœurs et les attentes du public aussi, l'histoire s'est adaptée.

Des siècles plus tard, certains débattent toujours de cette fin dont le fragment frustrant nous prive, et c'est tant mieux ! On continue d'analyser ce petit morceau de poème, on le garde en mémoire. Certains ont tenté des mises en musiques, tantôt en imaginant comment on l'aurait chanté à l'époque, d'autres en adoptant une approche résolument moderne. C'est ce que je vais utiliser comme illustration ici, pour rester dans le thème de la modernisation et de l'adaptation !


Mes déboires avec le Dietrichstein

Cherchant plus de détails sur le Dietrichstein, ou rocher de Dietrich, qu'on peut trouver dans les Vosges du côté de Guebwiller, je tombe sur plusieurs articles (souvent assez datés) qui mélangent allègrement la légende de Dietrich et celle de Siegfried (combat contre le dragon avec bain dans le sang et feuille sur l'épaule qui cause le point faible, la croix sur l'épaule cousue par l'épouse, le meurtre par Hagen) et des éléments très wagnériens (le sommeil dans l'attente du Ragnarök...), sans jamais citer leurs sources, évidemment. On sent fortement qu'ils ont puisé au même endroit, alors j'ai rouvert "Les Dieux Oubliés des Vosges" de Guy Trandel, qui, je le sais à souvent tendance à tordre les faits pour faire plus "païen" (en tout cas dans ce livre, je n'en ai pas lu d'autre de lui), et je me suis souvenu qu'il disait des choses approximatives sur le Dietrichstein. Et bingo !

La source (celle du problème)
D'après lui, c'est ainsi qu'"on" se souvient de Dietrich au Florival, mais je suis extrêmement sceptique. Qui est "on" ? Qui est sa source ? Trandel a-t-il tout inventé ? Pas exactement. Il se base sur les travaux de l'Abbé Braun, un folkloriste et historien régional amateur du XIXe siècle, et son recueil "Les Légendes du Florival" (disponible gratuitement en scan sur le site de la BNF).
 
On a donc une source unique... du XIXeme, donc pas exactement récente... qu'aucun autre historien ou philologue a pris en compte jusqu'ici... qui clairement puise dans des sources à la mode au XIXe siècle (et parmi les lettrés qui lisent des traductions érudites, pas exactement chez les paysans du Florival)... 
 
Normalement, monsieur Trandel devrait déjà se méfier un peu. Car s'il est bien arrivé que des amateurs produisent un corpus encore tenu en grande estime de nos jours, je pense notamment aux frères Grimm qui ont fait bien plus que collecter des contes, leurs travaux ont été analysés de nombreuses fois, revus, corrigés. Aujourd'hui, les universitaires ne se basent plus sur l’étymologie foireuse des Grimm pour justifier de l'existence d'une déesse pan-germanique appelée Ostara (même si dans les cercles néopaïens, ésotériques et autres, le mal est fait). L'Abbé Braun, personne n'a pris cette peine. Peut-être parce que son bricolage grossier est assez évident pour qui a déjà ouvert le Nibelungenlied dans sa vie ? Monsieur Trandel, lui, a décidé de foncer sans retenue et de tout prendre pour argent comptant. Incompétence ou malice ? Je ne saurais dire.
 
Jetons un œil à cette source, donc, la légende de Dietrich le guerrier dormant. Le début du récit (jeunesse du héros) est clairement tiré du "Wolfdietrich" (du complexe Ortnit-Wofdietrich), ce qui est logique puisque la question de savoir si Wolfdietrich = Dietrich a été âprement débattue. Je m'étonne cependant de l'abondance de détails fidèles à la source pour une version soi-disant populaire. Comparez les Folkeviser ou les ballades féringiennes aux sources relativement contemporaines dont elles s'inspirent, les libertés prises, les inversions de valeurs, les simplifications, les "traductions culturelles" pour s'adapter à leur auditoire spécifique... Ici, tout est trop précis, trop proche de "Wolfdietrich" pour me convaincre que c'est ainsi qu'"on" se souvient de ces légendes dans une petite vallée d'Alsace. Mais admettons.
 
La suite pose bien plus problème, car comme je l'ai dit plus haut,  les éléments pris au héros  Siegfried sont encore une fois bien trop nombreux, trop précis et cohérents avec le "Nibelungenlied", notamment, et je doute que ces détails aient pu rester si "purs", nonobstant la transmission à un autre héros, dans la tradition orale du Florival (sans laisser de textes à citer évidemment, ou je ne sais pas, une gravure, une peinture, n'importe quoi, comme les battants de portes d'églises sculptées scandinaves illustrant la "Völsunga Saga".) Quand on voit déjà à quel point les versions divergent en quelques siècles au Moyen-Âge, alors qu'on a des manuscrits (comparez les "Nibelungen" au "Seyfrid à la Peau de Corne"), je m'étonne.
 
Et puis il y a les ajouts de Trandel. Braun dit que Dietrich attend le Dernier Jour pour le combat final, le dernier jour, surtout sous la plume d'un abbé, c'est pas forcément R A G N A R Ö K, Mr Trandel. C'est peut-être juste l'Apocalypse, où les morts reviennent sur Terre et qu'il y a la grosse baston épique entre Dieu et la Bête, je dis ça comme ça. Le combat final lors du Ragnarök, s'il a pu exister, peut-être, dans l'imaginaire germanique continental, il n'en a laissé aucune trace... ni dans la poésie, ni dans les représentations graphiques. C'est attesté seulement dans les sources scandinaves tardives. Donc que le Florival, lui, ait gardé un tel souvenir quand l'intégralité du monde germanique continental l'a oublié, j'en doute, et rien dans le texte de l'Abbé Braun ne permet de le dire non plus, d'ailleurs.
 
Et je doute encore plus que, si monsieur Trandel l'a repéré, cette preuve d'une croyance continentale au Ragnarök, cette source où les attributs et la narration de Siegfried sont passés à Dietrich, les universitaires qui ont dédié leur carrière à ces légendes précisément n'en aient jamais entendu parlé ou trouvé utile de le mentionner - c'est vrai qu'on croule sous les sources, après tout ! Vous imaginez ? Trouver une version archaïque authentique attestant que Siegfried et Dietrich aient eu des rôles inversés ? Il y a des carrières qui se forgent pour moins que ça.

Sans vouloir divulgâcher, ça n'a pas eu lieu.
 
D'autant plus que le titre exact du livre de Braun n'est pas anodin : c'est "Légendes du Florival ou la mythologie allemande dans une vallée alsacienne". Faut pas s'étonner que Braun ait fait rentrer les éléments mythologiques germaniques, en vogue à son époque, dans sa petite vallée alsacienne, au chausse-pied s'il le faut. Il y a une ambition derrière le livre. "Les dieux oubliés des Vosges" de Mr Trandel, du titre en passant par le contenu, semble donc décidément bien déterminé à reprendre la formule de Braun. Encore une fois je ne suis pas dans sa tête, mais à ce stade la balance penche un peu du côté de la malhonnêteté tout de même.

En revanche, que le Dietrich qui repose là soit bel et bien un guerrier dormeur (qu'on dit être LE héros Dietrich, que ce soit le cas ou pas) attendant son moment pour protéger les gens d'une menace (comme les Turcs, bel et bien mentionnés également par l'auteur et qui, je le soupçonne, sont les éléments de la légende d'origine), cela paraît plausible et cohérent. Mais d'un légendaire protecteur attendant de pied ferme une armée ennemie, on ne peut pas faire un soldat d'Odin attendant le Ragnarök, juste comme ça. C'est, au mieux, de l'à peu près, voire du mensonge. Tout comme lorsque l'auteur s'étonne de voir un roi païen comme Dietrich être glorifié par des sculptures d'églises. Ce serait étonnant si Dietrich était païen, or il était arien, donc tout à fait chrétien. C'est la base quand même, l'auteur devait bien le savoir, non ? Bref, quelles que soient les causes de cette débâcle, ma confiance est à zéro. Voire en négatif, puisque mon radar à bullshit s'affole.

Tout ça pour dire que ce que je lis sur le Dietrichstein me désole un peu. Les infos tournent en rond et les sources sont médiocres. J'espère découvrir un jour ce qu'"on" disait vraiment du Dietrichstein avant que Braun et Trandel ne polluent toute recherche sur le sujet.

J'ai un peu élaboré sur un vieux billet en espérant que mon expérience en la matière saura vous encourager à vous aussi garder l’œil ouvert et critiquer vos sources. C'est un processus long et fastidieux, mais c'est nécessaire.

Ici un des liens qu'on peut trouver sur le net qui reprend les informations des "dieux oubliés des Vosges", parfois à la phrase près, mais avec une photo du Dietrichstein, pour les curieux.

vendredi 26 juin 2020

Le Projet Vineta

Il est temps pour moi de vous parler du Projet Vineta.

Déjà, avant de me lancer dans le vif du sujet, ce n'est évidemment pas le vrai nom du manuscrit en cours, ni même son vrai titre de travail (qui est Heldenzeit), mais c'est ainsi qu'il m'a travaillé pendant des années. Dès 2010, j'ai replongé dans les littératures légendaires et mythique européennes, en particulier sur tout le pourtour de Baltique et l'ensemble de l'espace germanique. Relire des classiques et découvrir de (nombreux) autres récits jusqu'ici inconnus ou méconnus n'a pas manqué de stimuler ma fibre créatrice. Un ensemble nébuleux d'idées s'articulait alors autour de la légende de Vineta, et longtemps j'y songeais sous le titre de Projet Vineta. Vers 2012 je commençais à faire des essais, des textes courts, parfois juste quelques paragraphe, pour réussir à capturer le "ton" que je désirais, celui de Pax Europæ ne collant pas au matériau de base. Je créais même ce blog, mais ne l'exploitais pas. Il a dormi pendant 8 ans, à l'image du Projet Vineta lui-même.

Qu'est-ce qui a changé ? Déjà, il y a quelques années de ça, j'ai lu la Saga de Hrolf Kraki, de Poul Anderson. L'auteur a admirablement employé les différentes sources (saga éponyme, Gesta Danorum de Saxo Grammaticus, etc.) sur le héros Hrolf Kraki pour les assembler en un tout cohérent. En effet, les sources médiévales et les différentes itérations d'un même héros, motif ou légende, regorgent souvent de variations parfois réconciliables facilement, parfois nécessitant d'ingénieuses excuses et passerelles pour expliquer les incohérences. Ce n'est pas un exercice facile, mais lorsqu'il est bien exécuté, il récompense le lecteur et procure une grande satisfaction. Quelqu'un qui ne connaîtra pas ou mal ces sources sera content de lire une bonne histoire, mais le lecteur éclairé trouvera les références, s'amusera de certaines explications ou réinterprétations, voire appréciera l'habileté de l'auteur en connaisseur. C'est ce que j'ai ressenti en lisant Poul Anderson, j'ai sincèrement admiré son travail d'harmonisation astucieuse des sources, et sa capacité à imiter le style simple mais percutant des sagas. Et forcément ça m'a inspiré. J'ai également apprécié ces mêmes qualités dans l'écriture des premières saisons de la série télé Vikings, dont on pouvait clairement identifier les différentes sources médiévales (Saga de Ragnar Lodhbrok, Gesta Danorum (encore), récits de voyage d'Ibn Fadlân, chroniques franques, etc.), intelligemment connectées, bien que les auteurs de la série aient fini par abandonner ça pour faire... autre chose... Quoiqu'il en soit, aussi bien à l'écrit qu'en série, l'idée d'harmoniser de multiples sources anciennes en un seul récit cohérent me stimulait.

Dietrich de Bern met une fessée à Siegfried. En crachant du feu.

Je n'ai pas commencé de suite à me remettre à planifier le Projet Vineta, mais j'ai relancé mes lectures préparatoires, sans que cela ne décolle vraiment. J'ai concentré mes efforts d'écriture sur Pax Europæ, tandis que mes lectures s'orientaient clairement vers Vineta. Et puis, il y a quelques mois, j'ai lu The Legend of Brynhild, de Theodore M. Andersson (rien à voir avec Poul), un ouvrage universitaire étudiant le cycle héroïque du triangle Brynhild / Sigurd / Gudrun. Après quelques dizaines de pages je savais qu'il me fallait un carnet et un stylo, et les prises de notes studieuses ont commencé. Pourquoi ce livre, plutôt qu'un autre, a-t-il été un déclencheur ? C'est simple : son étude minutieuse et surtout comparative de chaque source, avec une grande clarté. Exactement ce qu'il me fallait !

Clairement, ces dernières années, le Projet Vineta s'orientait vers une émulation de Hrolf Kraki, mais avec Sigurd / Siegfried, et des invités de luxe comme Dietrich de Bern. Le livre d'Andersson m'a donné le bout de fil sur lequel tirer pour enfin m'attaquer à cette pelote intimidante que sont les nombreuses sources autour de ce héros. De fil en aiguille j'ai réussi à me plonger sérieusement dans les sources primaires et secondaires qui abondaient déjà sur mes étagères, mais aussi à en découvrir d'autres, plus obscures mais qui s'imbriquaient dans une immense tapisserie légendaire se déroulant sous mes yeux. Soudain Siegfried n'était plus le héros, il était un héros, faisant partie d'un grand ensemble tout aussi fascinant (les lecteurs de Pax reconnaîtront un motif narratif que j'apprécie).

Maître Hildebrand, accompagné de Dietrich de Bern, défonce UN DRAGON, pendant que Dietrich crache du feu. DU FEU.
D'un coup l'ambition du projet a changé d'ampleur. Je voulais rendre hommage à cette tapisserie plutôt qu'à un fragment isolé, je voulais mettre plus de Dietrich de Bern, injustement oublié, et d'autres héros eux aussi négligés tel qu'Ortnit et Wolfdietrich, Biterolf et Dietleib, Walther d'Aquitaine, Hildebrand et Hadubrand, Ermrich, Witege... Harmoniser des sources contradictoires - ou complémentaires ! - à la manière d'un Poul Anderson avec Hrolf Kraki. C'est évidemment une ambition conséquente, mais j'ai maintenant pris suffisamment de notes pour me sentir prêt à écrire. Trouver le style, le ton adéquat, sera le défi premier. Au moment où j'écris ces lignes, un premier jet de chapitre 1 est rédigé, je vais voir avec quelques bêta-lecteurs si c'est la piste à creuser ou un faux départ. Mais ça y est, le Projet Vineta est lancé ! (Edit de mars 2024: et à l'heure où j'ajoute ceci, le manuscrit dépasse les 1 300 000 signes espaces incluses)(Oui, on peut dire que c'est lancé, en effet.)

Je vais continuer à utiliser parfois ce titre de Projet Vineta sur ce blog et sur Facebook, mais soyons clairs, comme je l'ai dit, ce n'est évidemment pas son vrai nom, ni même son titre de travail, parce que le titre de travail c'est Heldenzeit Projekt... aussi ai-je commencé à parler de plus en plus de Heldenzeit. Ce livre n'aura - a priori - pas de rapports (direct) avec Vineta... mais il y aura probablement des passerelles discrètes. Si ce projet fonctionne et plaît, l'idée de faire le tour de la mer Baltique est toujours bien présente, et quoi qu'il arrive la légende de Vineta aura droit à un texte de ma part, d'une façon ou d'une autre. Heldenzeit est pour moi une tentative d'écrire dans un registre radicalement différent de Pax Europæ, et potentiellement d'ouvrir une porte vers, eh bien, ce que le Projet Vineta était à l'origine. Qui sait, si j'arrive à boucler Heldenzeit de manière satisfaisante, je laisserais peut-être les légendes germaniques tranquilles afin de poursuivre mon exploration de la mer Baltiques plus à l'Est ? Et Heldenzeit ne sera alors qu'une partie d'un ensemble plus vaste, le Projet Vineta...

Mais cela n'est pas d'actualité.

Une chose après l'autre.